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Impacts de la crise sur l’immobilier coté

Perspectives de marché 08.04.2021

POINTS DE VUE MARCHÉ

6 AVRIL 2021

 

Jan Viebig
Jan Viebig,
CIO Private Wealth Management
Laurent Denize
Laurent Denize,
CIO Asset Managment

Le secteur immobilier, reconnu par les investisseurs pour sa stabilité et sa prévisibilité, n'a pas échappé aux différentes vagues épidémiques de coronavirus. La pandémie a particulièrement remis en question les fondamentaux des actifs de commerces ou de bureaux en raison de la généralisation du travail à domicile, mais a aussi accéléré un certain nombre de tendances déjà visibles dans le monde d’avant. Elle a également renforcé la dynamique d'autres segments, en particulier les segments résidentiels, logistiques, de santé et alternatifs.

1. Bureaux : éviter

Le segment de bureaux est entré dans la crise actuelle avec de bonnes tendances, notamment des loyers en hausse dans les principaux pays européens. Toutefois, l'incertitude liée au développement du télétravail commence sérieusement à peser sur ce segment, car elle entraîne une baisse de la demande de mètres carrés de bureaux à court/moyen terme. La bonne nouvelle à plus long-terme est que les locataires chercheront de nouveaux types de bureaux offrant plus d’espaces collaboratifs, de nouveaux services pour les employés, et une gestion plus efficiente du bâtiment (informatique, sécurité, efficacité énergétique). Enfin, nous observons une polarisation croissante entre les actifs bien situés dans le Quartier Central des Affaires et les bureaux plus périphériques qui devraient être plus impactés en termes d'activité et de valorisation. Finalement, l’ajustement à la baisse des loyers devrait perdurer jusqu’en 2022.

2. Commerce de détail : éviter

Le secteur rencontre depuis plusieurs années des difficultés structurelles liées à l'émergence du e-commerce. L'accélération de cette tendance due à la pandémie, combinée aux confinements successifs, mettent les acteurs traditionnels du secteur dans une position difficile. Malgré des valorisations facialement attractives, il reste encore beaucoup d'inconnues concernant l'activité locative.

3. Résidentiel : conserver

Le résidentiel est peu impacté par la crise actuelle et présente encore des opportunités de croissance, notamment en Allemagne. De même, les promoteurs immobiliers, en particulier en France, ont fait preuve d'une bonne résistance grâce à une demande soutenue des grands institutionnels. La crise ne remet pas en cause le thème de l’urbanisation et soutient l’attractivité de la classe d'actifs. Nous observons également une nouvelle tendance : la conversion de bureaux obsolètes en logements, rendue possible par la convergence des prix des deux segments et la densification immobilière.

4. Logistique : acheter

La logistique est la grande gagnante de la situation du travail à domicile, avec une demande d'entrepôts en croissance. Cette crise a clairement mis en évidence la nécessité d'une gestion bien organisée de la chaîne d'approvisionnement qui gagne en importance, et la tendance est encore plus vraie pour la logistique urbaine, qui bénéficie de la rareté des terrains. Les consommateurs ralliés au e-commerce vont probablement le rester. La pénétration de ce dernier dans certains pays européens n’en est par ailleurs qu’à ses débuts.

S’il est trop tard pour vendre, il est encore trop tôt pour se repositionner sur le secteur.

Quel est l’impact de la hausse des taux obligataires sur l'immobilier coté ?

Comme en témoigne la performance décevante enregistrée récemment sur les actions immobilières cotées, il semble que de nombreux acteurs du marché considèrent la hausse des taux comme une mauvaise nouvelle pour l'immobilier avec une logique simple : la hausse des taux implique une hausse des rendements immobiliers exigés par les investisseurs (hausse de la prime de risque) et fait baisser la valeur des actifs. Cependant, quelques points permettent de relativiser cette affirmation :

  • Premièrement, le déséquilibre entre l'offre et la demande semble être ignoré, parallèlement au fait que la hausse des taux indique généralement une hausse des anticipations de croissance, qui se traduit positivement pour les sociétés immobilières. En effet, les baux commerciaux sont généralement indexés sur les indices des prix à la consommation ou sur des indices composites faisant référence à la croissance (c'est le cas en France). Ainsi, une accélération de la croissance économique et de l'inflation devient un véritable moteur d'augmentation des revenus pour les sociétés immobilières. Pour résumer, si les taux d'intérêt augmentent en raison de la vigueur de l'économie sous-jacente et de l'inflation, des fondamentaux plus solides peuvent très bien compenser tout impact négatif causé par la hausse des taux. Enfin, historiquement, la croissance des dividendes a toujours dépassé le taux d’inflation. A long terme, un actif immobilier parvient donc à limiter l’érosion du capital provoqué par une pression inflationniste.
  • Deuxièmement, la BCE a envoyé le signal clair d’engagement à préserver les conditions de financement favorables grâce à une politique monétaire toujours très accommodante. Par ailleurs, même avec un taux d'intérêt US à 10 ans proche de 1.75% (nous en sommes loin en Europe), l'environnement de taux resterait favorable à l'immobilier (prime de risque moyenne sur 10 ans à 2%).
  • Troisièmement, les sociétés immobilières ont su profiter des taux bas pour se refinancer avec des conditions très favorables. L'effet de levier du secteur est sous contrôle avec un levier autour de 44% pour les sociétés de la zone euro et un coût du financement moyen de 1.6%, optimisé grâce à l'allongement de la maturité (autour de 6.9 ans).

 

Perspectives – que faire de son portefeuille d’actions foncières ?

Nous reconnaissons que la période que nous traversons actuellement n’est pas propice à une performance positive de l’immobilier coté. Pour autant, en l’absence d’une envolée des taux longs non maitrisée, nous restons raisonnablement optimistes et constructifs pour plusieurs raisons :

  1. Les importantes décotes par rapport aux actifs nets réévalués sur les immeubles de bureaux (environ 30%) tiennent déjà compte aujourd'hui d'une baisse des valeurs locatives.
  2. La phase de reprise, caractérisée par une amélioration/accélération de la demande, sera soutenue par des coûts de financement encore bas.
  3. Nous observons des opportunités d’investissements dans un certain nombre de foncières positionnées sur des thématiques séculaires : e-commerce, logistique, centres de données, tours de télécommunications, sylviculture…
  4. Nous anticipons pour 2021 une croissance de l'Actif Net Réévalué de 2.4% + un rendement du dividende attendu de 3.6%, soit un rendement total de 6.0%, bien éloigné de la performance boursière actuelle. Patience donc…mais nous pensons que la performance des valeurs foncières devrait converger tôt ou tard vers leur performance opérationnelle.
  5. Enfin, les sociétés immobilières cotées sont bien positionnées à long-terme pour profiter de la transformation urbaine et du développement des villes de demain. L’investissement public dans ce domaine est sans conteste créateur de valeur pour le secteur.

S’il est trop tard pour vendre, il est encore trop tôt pour se repositionner sur le secteur. Quels pourraient être les éléments déclencheurs ? Une stabilisation des taux et une réévaluation des prix de l'immobilier physique, notamment pour les bureaux, seraient un bon début. Nous n'en sommes pas encore là.


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